Nautile Conseil à la Banque de France : Les Défis de la Politique Monétaire pour les Macroéconomies Européennes

25-26/09/2023

25-26/09/2023

La Banque de France, le CEPR (Center for Economic Policy Research) et la Banque Centrale Européenne (BCE) ont conjointement orchestré deux journées de conférence dédiées aux défis de la politique monétaire pour les économies européennes. Cet événement de premier plan s’est tenu au siège de la Banque de France dans le but de promouvoir la recherche visant à approfondir notre compréhension des interrelations entre les politiques macroprudentielles et les politiques monétaires en Europe, en utilisant des données européennes.

  • Principaux orateurs : Jordi Gali, Centre de Recherche en Economie Internationale (CREI) et CEPR, et Hélène Rey, London Business School (LBS) et CEPR).
  • Comité scientifique : Carlo Altavilla (BCE et CEPR), Matthieu Bussière (Banque de France), Yuriy Gorodnichenko (UC Berkeley et CEPR), Refet S. Gürkaynak (Bilkent Universivy et CEPR).
  • Ces conférences denses nous ont offert l’opportunité d’explorer les répercussions en Europe des mécanismes d’intervention bancaire mis en place par les banques centrales, à la suite de la guerre en Ukraine, dans le but de garantir la stabilité financière de la Zone Euro.
  • C’est François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, qui a inauguré cette session, en se questionnant sur le calendrier, la conduite et l’efficacité de l’intervention de la politique monétaire de la Zone Euro, et sur les possibles erreurs et perspectives de la politique monétaire dans la Zone Euro.

Le choc énergétique déclenché par la guerre en Ukraine et les multiples relèvements des taux d’intérêt par la Fed aux États-Unis (en dépit de la récente crise bancaire) ont amené la BCE à réagir de façon quasi mécanique : en relevant brutalement ses taux directeurs à leur plus haut niveau historique, pour lutter contre l’inflation en freinant la demande pour endiguer la hausse des prix provoquée par un choc d’offre (tandis que les Etats-Unis affrontent un choc de demande).

Ces turbulences ont non seulement révélé la vulnérabilité énergétique européenne, et provoqué une cascade de fortes déflagrations dans les économies européennes, en déclenchant une spirale haussière des salaires et des prix, ainsi qu’un alourdissement des charges de remboursement des dettes publiques (classant la France au 5è rang européen des ratios de dette publique par rapport au PIB, avec à 102,2 % du PIB). La Zone Euro se trouve désormais plongée dans une situation de stagnation économique, après un rattrapage économique post-Covid fulgurant, et trois décennies de hausse modérée des prix à consommation.

Les chocs économiques provoqués par la guerre en Ukraine ont perturbé significativement les systèmes monétaires, et ont profondément complexifié la gestion des politiques monétaires déployées.

1- Ces chocs ont mis en lumière les effets asymétriques entre la politique monétaire et l’économie réelle, suscitant de nombreuses interrogations sur la pertinence du «one size fits for all» lorsqu’il s’agit de résoudre les situations au niveau régional (chaque État membre) en tenant compte des spécificités nationales (forces, faiblesses et sensibilités), des différentes natures d’inflation et des effets induits indirectement parfois avec retard.

Les outils monétaires s’avèrent certes efficaces, mais leur application doit aussi prendre en considération les différents rythmes financiers propres au pays, aux banques et aux entreprises sous peine de freiner l’activité économique. Leur utilisation nécessite donc un dosage minutieux et différencié du macro prudentiel (concentré sur la stabilité du système dans son ensemble et sur la gestion des risques systémiques) et le microprudentiel (qui se concentre sur la supervision, la sécurité et la solidité des institutions financières individuelles).

Il s’agit donc de conjuguer ces deux approches de façon complémentaire et, en fonction du contexte, de choisir le moment approprié, moduler l’intensité et la durée de la mesure financière. L’objectif est de réguler efficacement la sphère financière, d’améliorer la transmission de la politique monétaire, tout en favorisant la prospérité économique de la Zone Euro, avec un objectif de 2% d’inflation à moyen terme.

L’analyse révèle que les programmes PSPP (Public Sector Purchase Programme) lancés en 2015 et le Programme d’achat d’urgence PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme) décidé par le Conseil des gouverneurs de la BCE en 2020, ont induit des politiques régionales différentes, produisant des résultats également très disparates en raison des contextes et des logiques nationaux propres à chaque pays membre de la Zone Euro. Il est également apparu que des actifs financiers similaires peuvent être utilisés simultanément pour produire des effets différents et équilibrer des objectifs parfois contradictoires. La symétrie et l’asymétrie peuvent ainsi fonctionner de concert.

Il apparait donc important d’exploiter les enseignements tirés des retours d’expérience pour comprendre les effets induits a posteriori, et affiner les leviers de la politique monétaire européenne au sein de l’Eurosystème, conformément aux rôles et compétences clairement établis.

2- De plus, les politiques fiscales, les négociations salariales et les politiques d’encadrement des prix doivent également servir à diminuer les coûts du choc d’offre pour l’économie réelle, et rétablir durablement la stabilité des prix, ramener les attentes d’inflation et réduire les dettes publiques. C’est le comportement responsable des acteurs économiques qui évitera un resserrement supplémentaire de la position monétaire.

La crédibilité, la transparence, la confiance et la responsabilité demeurent plus que jamais des valeurs clés pour les Banques Centrales afin d’élaborer des plans stratégiques et opérationnels nécessaires à la réalisation des objectifs communs européens.

Dans ce paysage économique complexe, la Banque de France et la BCE continuent d’occuper une position centrale dans la régulation et la gestion des défis économiques majeurs auxquels la France, la Zone Euro et la communauté internationale font face. Pour ce faire, il est impératif d’approfondir notre compréhension des mécanismes macroéconomiques et microéconomiques en jeu. Les outils macroéconomiques, tels que les taux directeurs, les opérations d’open market (pour influencer l’offre de monnaie), et les programmes d’achats d’actifs, sont cruciaux pour influencer la stabilité des prix et stimuler la croissance. Il est néanmoins essentiel de les utiliser judicieusement pour équilibrer ces objectifs parfois contradictoires.

Les outils microéconomiques, quant à eux, ont un impact direct sur les décisions des entreprises et des ménages. Les taux d’intérêt, par exemple, influent sur les coûts de financement, ce qui peut encourager ou décourager l’investissement et la consommation, avec de lourdes conséquences sociales. Il est donc nécessaire d’appréhender finement comment ces outils affectent l’économie réelle. La collaboration étroite avec les acteurs économiques, notamment les entreprises, les banques et les autorités nationales, revêt une importance capitale. Les enseignements tirés des expériences nationales et la compréhension des spécificités de chaque économie au sein de la zone euro doivent servir à ajuster les mesures de manière plus pertinente.

3- Toutefois, la conjoncture actuelle est marquée par des événements géopolitiques majeurs qui génèrent incertitudes et tensions, notamment en ce qui concerne le financement des dettes publiques et des encours bancaires. Le rôle stratégique des banques centrales dans la stabilisation des économies nationales et régionales s’en trouve certes renforcé, mais se double désormais d’une exigence de gestion délicate des taux d’intérêt pour équilibrer la lutte contre l’inflation et le soutien à l’activité économique.

Les analyses montrent que les politiques monétaires de resserrement sont efficaces, mais qu’elles ont aussi des répercussions directes négatives sur les entreprises et les ménages, qui freinent la croissance économique de façon durable. De plus, ces effets varient selon les disparités nationales liées aux trajectoires post Covid au sein de la Zone Euro.

La complexité s’accroît avec la montée de l’endettement public, qui exige une gestion prudente pour éviter des conséquences néfastes sur la stabilité financière.

Enfin, la numérisation et l’innovation financière redéfinissent le paysage économique, forçant la BCE à intégrer ces transformations dans sa politique monétaire.

En conclusion, face à des chocs répétés et violents, le rôle des banques centrales, à l’instar de la Banque de France et de la Banque Centrale Européenne (BCE), est plus que jamais déterminant pour assurer la stabilité économique et financière au sein de l’Eurosystème (l’autorité financière qui définit et met en œuvre la politique monétaire des États membres de la Zone Euro).

Dans un environnement géopolitique marqué par une compétition exacerbée à tous niveaux, les banques centrales doivent gérer de façon experte et innovante les chocs structurels et macro-économiques, pour ne pas renforcer les vulnérabilités au sein des pays de la Zone Euro.

L’analyse des données de la Zone Euro offre une opportunité prometteuse pour aiguiser la vision sur la Zone Euro. Améliorer la compréhension des impacts macroéconomiques et microéconomiques permettra de renforcer la pertinence du pilotage monétaire européen. L’adaptation fine des stratégies et la collaboration étroite des banques centrales aideront à relever les défis complexes liés à la gestion de la diversité des trajectoires, au financement des dettes publiques croissantes et aux encours bancaires ; tout en maintenant le cap vers l’objectif d’inflation de 2 %.

Notre décryptage : les chocs de la guerre en Ukraine et de la politique de resserrement monétaire ont révélé les vulnérabilités tout en renforçant d’une certaine manière l’unité européenne. Cependant, alors que l’effort pour soutenir l’Ukraine et répondre aux exigences de l’OTAN, dans un contexte de désengagement américain, de remilitarisation générale et de polarisation en Indopacifique, ainsi que l’effort pour développer la transition numérique et écologique, exigent toujours plus de ressources pour financer des investissements massifs dans les domaines énergétiques, technologiques et militaires, l’Union Européenne persiste à appliquer les sanctions contre la Russie. Des sanctions appliquées de façon immédiate qui ont obligé l’Union Européenne à palier dans l’urgence ses achats directs à la Russie (qui représentaient 30% des approvisionnement) et qui, au fil du temps de leur application stricte, dégradent toujours plus sévèrement la dynamique économique de la Zone Euro, sans avoir produit les effets escomptés sur la Russie, qui s’y était préparée.

Un alignement stratégique européen et une guerre en Ukraine qui profitent aux États-Unis. En effet, outre les ventes d’armes à l’Allemagne, les exportations américaines de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) vers l’Union Européenne ont connu une hausse de 140% en 2022, entraînant des prix élevés qui compromettent durablement la compétitivité industrielle européenne. De plus, les États-Unis sont devenus la principale source d’importation de pétrole brut pour la France, et l’IRA (Inflation Reduction Act), une loi promulguée en août 2022 avec un budget de 370 milliards de dollars, attire irrésistiblement les investissements industriels axés sur le développement durable de l’autre côté de l’Atlantique.

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